Nous le savons et l’observons tous, le e-commerce bouleverse nos habitudes de consommation ainsi que la composition du tissu économique Français. Mi-juin, un texte de loi visant à redynamiser les centres-villes était à l’étude à l’assemblée nationale. Ce texte, vous en avez peut-être entendu parler par le biais de la FEVAD …
La loi ELAN regorge d’un certain nombre de mesures. Elles abordent l’artificialisation des terres, la refonte des taxes commerciales et bien d’autres choses encore. Ce texte vise à fournir une approche globale de revitalisation des centres villes ce qui l’amène sur de nombreux terrains.
Mais un certain nombre de crispations sont apparues à la lecture de l’article 27 par les acteurs du E-commerce…. Je vous propose d’en découvrir le contenu puis je vous livrerai mon analyse de l’article.
Retour sur son impact sur le e-commerce
L’article 27 de la loi ELAN met en avant une solution fiscale pour permettre aux territoires de résister face à la montée en puissance des achats en ligne. Le texte prévoit :
- de taxer la livraison du e-commerçant sur base de la distance entre le dernier point de stockage de la marchandise et le lieu de livraison pour les sites français
- de taxer la livraison du e-commerçant sur base de la distance entre le point d’entrée en France de la marchandise et le lieu de livraison pour les sites etrangers
- un barème de 1% du prix de vente pour un trajet inférieur à 50 kms, 1,5% pour un trajet entre 50 et 80 kms et 2% pour des trajets supérieurs à 80 kms (nota bene: le texte prévoit une taxe minimum de 1€)
Néanmoins des exonérations sont prévues :
- pour les transports non consommateurs d’énergies fossiles
- les entreprises faisant moins de 50 millions d’euros de CA
- les entreprises dont l’activité principale est la vente de livres et disposant d’un lieu de vente physique
- les magasins de producteurs commercialisant leurs produits dans le cadre d’un circuit court organisé à l’attention des consommateurs mentionnés à l’article L. 611-8 du code rural et de la pêche maritime
Oublions-nous que le consommateur change ses habitudes ?
En taxant, le gouvernement espère sans doute récupérer des fonds destinés à financer les mesures liées à la revitalisation des centres-villes. Il essaye également à mon sens d’encourager les e-commerçants à s’implanter en local et souhaite rééquilibrer le combat entre le commerce physique et celui de l’internet. Mais ce qui n’est je pense pas pris en compte dans cette loi, c’est bien le fondement même de l’essor du e-commerce à savoir : une évolution des modes de consommation.
Depuis plusieurs années, les habitudes des consommateurs évoluent énormément. Que ce soit d’ailleurs entre les générations ou de manière générale. Un exemple parlant est le recours au repérage en ligne avant achat en magasin (appelé ROPO: Research Online and Purchase Offline). On remarque grâce à une étude réalisée en 2016 qu’il est chose courante pour 74% des 18 / 35 ans de regarder sur internet le prix d’un article, ses commentaires avant un achat. Alors que si nous regardons l’ensemble de l’échantillon, nous tombons à 69% (toutes tranches d’âge confondues (Source içi)).
Ensuite si l’on se penche sur les habitudes des Français on remarque que des nouveaux venus changent la manière d’acheter sans pour autant changer l’endroit où nous achetons. L’émergence à vitesse grand « V » du Ship From Store / Click & Collect nous démontre que nos magasins sont le point de départ de d’achats e-commerce en local. Le consommateur continue donc de plébisciter les magasins… mais en utilisant du digital !
Une étude réalisée par Proximis a demandé aux jeunes générations si elles achetaient en magasin… eh bien le résultat est assez surprenant ! Ils sont 67% à réaliser la plupart du temps leur achats en magasin physique.
Une baisse de l’activité en centre-ville incompréhensible donc ?
Les éléments que j’ai évoqués ci-avant posent question… si nos habitudes font que le magasin reste globalement fréquenté, pourquoi donc nos centres-villes se désertifient-ils ?!
Je vois de ma fenêtre plusieurs explications :
- La baisse du budget alloué à certaines dépenses (en 1960, l’apparence physique concentrait 14,1 % du budget, contre 7,3 % en 2015 – Source Insee 2017)
- Une plus grande accessibilité de l’offre par le consommateur qui accentue la concurrence (nous avons accès aujourd’hui à une offre importante mais souvent très similaire via nos ordinateurs, smartphones. Si un commerce n’est pas visible, il est donc pénalisé)
- Une évolution du paysage concurrentiel (arrivée en France d’acteurs à prix cassés, développement du système de déstockage / des ventes privées…)
- Une évolution des exigences du consommateur (en matière de qualité, de disponibilité , d’accueil en point de vente, expérience d’achat…)
Une fois ces éléments en tête… posons-nous la question. Qu’apportera une taxe finalement ? Qu’est-ce qu’elle permettra d’améliorer ?
Taxer le dernier kilomètre… au lieu d’accompagner les petits acteurs ?
Contrairement aux avis du gouvernement que j’ai entendus je pense que :
- Taxer ne va pas aller forcer les e-commerçants à installer des mini-entrepôts partout en France pour être au plus proche des clients et ainsi dynamiser le tissu local. Il y a une structure de coûts derrière chaque entrepôt et démultiplier ferait exploser deux postes de coûts : l’amont et l’entrepôt.
- La mise en place de ces pénalités financières pour les e-commerçants ne va pas sauver le commerce local. Il va falloir de manière générale que chaque commerce prenne conscience de l’évolution du secteur et qu’il se rende visible sur internet. Nous l’avons vu juste avant, être visible est une des clés pour évoluer dans ce nouvel écosystème et se démarquer.
- Favoriser les livraisons sans émissions de CO² est un voeu pieux… mais cependant il va contribuer selon moi à favoriser un mode de livraison peu éthique étant donné ses conditions de travail et sa précarité financière : les livraisons à vélo
Si je devais résumer mon avis sur ce texte de loi, il est préférable à mon sens d’aider / accompagner les PME, ETI et les petits commerçants à se digitaliser plutôt que de taxer les acteurs du e-commerçe. Les évolutions technologiques font que nos habitudes changent et la seule réponse que trouve l’exécutif est de taxer pour espérer sauvegarder un modèle qui a besoin et peut facilement évoluer.
On le voit dans beaucoup d’études, le commerce physique garde une place prépondérante dans les habitudes d’achat mais il doit se coupler au numérique pour revenir sur le devant de la scène. Il y a une réelle nécessiter de comprendre que le commerce physique est loin d’être mort. Il doit évoluer pour survivre !
Je vous laisse maintenant vous faire votre propre avis sur le sujet en espérant que ce point de vue alimentera votre réflexion !
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