Externalisation des convois en Afghanistan

La logistique militaire est guidée par un impératif d’agilité et de résilience. L’externalisation n’est pas nouvelle puisque pratiquée très tôt dans l’histoire par différentes armées. Cela a commencé d’une certaine façon par les mercenaires. Par la suite, l’externalisation a été utilisée pour le recours aux services de transports et d’équipements. Et ce, dans l’optique d’utiliser le maximum de ressources humaines internes comme soldats combattants. Au fur et à mesure que les armées grandissaient et se modernisaient il est apparu comme impératif de pouvoir disposer de moyens logistiques capables de suivre le même rythme que les troupes sur le terrain. La mise en œuvre d’une logistique internalisée débuta réellement sous l’égide de Napoléon et atteint son paroxysme lors de la seconde guerre mondiale. Avec la fin de la guerre froide et la baisse des budgets des armées le recours à l’externalisation augmenta significativement.

Cette externalisation est elle un moyen assumé permettant de diversifier l’offre de service ? Permet-elle au chef militaire de disposer de moyens complémentaires lors des opérations ? Ou alors, est-elle un moyen de pallier une capacité interne insuffisante compromettant les opérations si l’on n’y recourait pas ?

Nous verrons que la logistique civile moderne dispose aujourd’hui de capacité de réaction (en tout cas dans un milieu permissif) très complémentaire aux moyens militaires. Nous verrons également que dans certains domaines déficitaires de nos armées, le recours à cette externalisation est un impératif pour la réussite des opérations.

L’externalisation, recours impératif pour la réussite des opérations

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la logistique militaire a révolutionnée le monde de la logistique. Son organisation robuste, ses moyens modernes et sa grandes capacité opérationnelles font qu’elle surpasse de très loin la logistique civile. Elle est quasiment exclusivement constituée de moyens propres faisant qu’on trouve aujourd’hui peu d’équivalences en matière de capacité dans le civil. Cette apogée, si l’on peut l’exprimer ainsi, inspira très largement le milieu civil des années 50 aux années 80 (décennie de l’avènement des nouvelles technologies). Pour les armées, les années 80 sonnèrent la fin de la guerre froide et le temps de « profiter des dividendes de la paix ». Alors que les entreprises investissent massivement dans le développement de leurs chaînes logistiques et se structurent pour permettre une agilité accrue, les budgets des armées eux baissent significativement. 

Dans un premier temps ce sont les crédits alloués à la recherche qui furent amputés. Ensuite ce fut le tour des budgets de renouvellement des matériels dans les années 90. Enfin, ceux touchant à l’organisation même des forces dans les années 2000. En parallèle les engagements et opérations extérieures ne baissèrent pas (aujourd’hui ils suivent même plutôt une tendance haussière). Afin de ne pas compromettre notre capacité de réaction, il est évident que nous devons réduire les forces dévolues au soutien et à la logistique militaire.

C’est ainsi que commença la dissolution des régiments de soutien. Cette réduction d’effectifs se matérialisa dans un premier temps en transformant les divisions en brigades (plus pratique car dans la doctrine militaire française les brigades ne disposent pas d’unités de soutien propre). Cette manœuvre permet ainsi de dissoudre les unités de soutien dévolus aux divisions (les régiments de commandement et de soutien RCS). La seconde étape fut une réduction des régiments spécialisés dans le soutien (train et matériel). Enfin, la réduction n’étant pas suffisante au regard des budgets alloués nous échenillons la réduction des unités de soutien en supprimant des postes dans les unités de soutien des bataillons.

L’externalisation seule solution palliative

C’est à ce moment là qu’on assiste à une grande vague de mutualisation du soutien au niveau interarmées privant les armées d’un soutien autonome. Malheureusement e, parallèle, le nombre d’engagements ne cesse de se multiplier. La mission pour tout militaire étant sacrée, le logisticien ne peut décemment pas dire qu’il n’est plus possible d’assurer les engagements armés. Pour être en mesure de répondre aux besoins des régiments engagés, l’externalisation devient donc la seule alternative. 

Des entreprises sont même créées (comme l’économat des armées) afin de pouvoir fournir une palette de prestations logistiques rendant possible le soutien aux engagements de nos armées. Cela permet de consacrer les moyens militaires aux milieux les moins permissifs. Cette externalisation s’appuie sur des entreprises locales mais aussi des prestataires nationaux. Dans tous les sous-domaines de la logistique, aujourd’hui, les prestations externalisées sont entrées dans l’intellect du logisticien mais aussi du chef afin de garantir la bonne marche des opérations. Ainsi tant en garnison que sur le territoire métropolitain ou qu’en opérations extérieures, des opérations de transport, de maintenance, de restauration, d’hébergement voire même de soutien médical sont contractées et externalisé.

Les prestations contractées, palette d’outils supplémentaires pour le logisticien

Comme nous l’avons vu précédemment, l’externalisation de services ou de prestations est aujourd’hui incontournable pour permettre l’engagement de nos armées. Nos forces armées s’inspirent largement des innovations et services des entreprises civiles à la pointe de la technologie.Ces évolutions au sein de nos armées permettent d’augmenter très sensiblement l’efficacité opérationnelle.

Dans le transport, le suivi des ressources mais aussi la robotisation des opérations logistiques permettent de garantir une traçabilité tout en intégrant des contraintes de délais importantes. Les performances constatées sont aujourd’hui bien supérieure à nos chaînes internes. Ces bonnes performances expliquent pourquoi l’armée à de plus en plus recours à l’externalisation pour la fourniture de pièces et la maintenance sur les nouveaux véhicules . Ils nous garantissent ainsi une efficacité et une disponibilité des matériels très au-delà de nos capacités propres en régie. Cela est vrai sur le territoire métropolitain mais peut aussi l’être en opérations. 

Tout l’enjeu pour le logisticien militaire est alors de pouvoir intégrer et prendre en compte les processus de l’entreprise permettant de garantir cette efficacité opérationnelle. En effet la supply-chain part du producteur jusqu’au client final et nécessite non seulement une communication et des échanges fluides entre chaque prestataire, mais aussi un partage des process. La fluidité et l’instantanéité des données imposent au logisticien militaire de s’intégrer pleinement dans la supply-chain civile en prenant en compte les contraintes et les impératifs de cette dernière. C’est une petite révolution dans le domaine militaire notamment avec la notion de « reverse supply-chain » très importante pour garantir des retours en temps et en heure et ainsi permettre aux industriels de respecter les contraintes de fournitures de pièces.

L’externalisation démultiplicateur d’effet!

Dans les phases de projection stratégique, pour la montée en puissance d’une opération, le recours à l’externalisation permet de démultiplier les effets et la vitesse de projection du contingent. Ainsi, en parallèle des moyens militaires, le recours à la sous-traitance dans le domaine aérien et maritime assure le déploiement plus rapide de la force et donc garanti à la chaîne de commandement un engagement plus rapide de ses moyens. Accompagnée de contraintes de coût très élevées pour le fret aérien et relativement faibles pour le fret maritime, l’expertise de recours à la sous-traitance acquise par les logisticiens des armées concourt à garantir à la France sa capacité d’entrer en premier en opération.  

Autrefois définie comme un « mal nécessaire », l’externalisation vient s’additionner aux moyens en régie dans les armées. Qu’il s’agisse de prestations complètes ou de mise à disposition de moyens, cette expertise de l’armée française contribue largement à garantir une haute exigence de réponse opérationnelle.

La formation des logisticiens de nos armées doit maintenant s’affiner et mûrir afin de garantir une connaissance fine du milieu de la logistique civile. L’objectif est que nos hommes comprennent, appréhendent les bienfaits de l’externalisation et soient capables d’y avoir recours quand cela est justifié. Le logisticien doit aussi pouvoir piloter la prestation en s’assurant que le service délivré est conforme aux attentes.