Convoi logistique au Mali

La logistique militaire moderne trouve ses racines dans la seconde guerre mondiale. C’est grâce à celle-ci que le développement de la mécanisation permettant des mouvements très rapides tout en induisant en matière de logistique de grandes contraintes est possible. En effet, que ce soit avec l’Afrika Corp dans le désert de Libye ou la 1 ère armée française en Alsace, les exemples d’unités ayant fait les frais d’une logistique défaillante sont nombreux.

Le développement de la mécanisation permet des mouvements très rapides mais induit en termes de logistique de grandes contraintes. L’Afrika Corp dans le désert de Libye, mais aussi la 1 ère armée française en alsace, qui était tributaire de la logistique américaine, en ont fait les frais et ont dû limiter leurs opérations du fait d’une logistique limitée ou défaillante.

Nous verrons qu’aujourd’hui, pour permettre au tacticien de mener à bien ses manœuvres et prendre l’ascendant sur l’ennemi, celui-ci a besoin de pouvoir disposer d’une logistique suffisamment robuste, résiliente pour porter l’effort du combat. Dans le même temps, la logistique doit aussi garantir une grande flexibilité afin de pouvoir rapidement changer d’objectifs ou saisir des opportunités.

Ces deux impératifs semblent antinomiques mais sont néanmoins mis en place sous contrainte budgétaire forte.

Une logistique robuste…

Une armée pour pouvoir créer des effets sur le terrain doit disposer d’une masse critique de personnels et de matériels suffisante. Dans nos engagements modernes, les déploiements prennent souvent la forme d’un corps expéditionnaire. Le chef militaire doit s’assurer de disposer d’un flux logistique lui permettant de conduire les opérations. Pour se faire il doit là aussi mettre en place des stocks au niveau du théâtre permettant une certaine autonomie à la force.

Peu d’armées modernes disposent d’une capacité dite « d’entrée en premier » sur un théâtre d’opération. L’armée française fait partie de ces armées. La logistique militaire (qui est globale) s’occupant de toutes les fonctions de soutien doit donc mettre en place des flux suffisamment robustes pour permettre l’engagement opérationnel de ses unités. Il est impensable que les véhicules tombent en panne de carburant car n’étant plus approvisionné ou qu’une unité engagée ne puisse plus tirer avec ses armes car en rupture de stock de munitions. Tout comme il serait impensable que les blessés ne soient pas pris en charge à cause d’une chaîne santé mal dimensionnée.

Dans cette logique de robustesse, et même si les coûts globaux sont contraints, la rentabilité du système repose sur la capacité à garantir un flux continu et des stocks à chaque niveau. Le tout pour garantir une autonomie d’engagement. Chaque chef militaire quel que soit le niveau prend en compte cet impératif dans les travaux de planification et s’engage dans une opération qu’avec la certitude de pouvoir la soutenir d’un point de vue logistique.

… La logistique au service des opérations :

En phase de coercition, première phase du déploiement, la logistique est totalement internalisée via les moyens des armées aux niveaux tactique et opératif.
Au niveau stratégique les moyens des armées sont mobilisés mais, le volume de fret nécessitant la mise en place d’une force moderne et bien équipée implique de recourir aux moyens de nos alliés ainsi qu’à des affrétés civils (en particulier pour la voie aérienne et maritime).

En phase de stabilisation, dans le but de gagner des délais mais aussi suivant une logique de coût, il est fréquent de chercher à externaliser une partie de la logistique (transport, vivres etc..). La seule limite étant de disposer des moyens de réversibilités nous garantissant l’autonomie. Cela peut aussi concourir à produire des effets tactiques en faisant profiter le tissu local économique de la présence de la force et donc participant à l’acceptation de la force par la population locale.

Les flux logistiques sont très conséquents, ainsi pour une unité de type groupement aujourd’hui déployé au Mali ce sont environ 600 soldats et 150 véhicules de tous types à soutenir. Pour une opération de 7 à 10 jours il faut donc prévoir jusqu’à 100m3 de carburant, 95 000 litres d’eau (qui prend toute son importance dans le désert) et jusqu’à trois camions remplis de pneus de secours pour faire face aux crevaisons.

Résilience et flexibilité logistique…

Un certain nombre de moyens logistiques doivent aussi être redondant pour permettre à la force de faire face aux actions de l’ennemi. En effet, si l’ennemi détruit une compagnie de combat d’un groupement ce dernier peut continuer à produire des effets avec les autres compagnies qu’il lui reste. En revanche, s’il détruit la compagnie logistique du groupement, ce dernier tout entier est paralysé.

Pour éviter cela, outre le fait de garantir une certaine distance avec la ligne de contact, les moyens logistiques sont protégés par des forces et répartis dans l’espace. Ce maillage doit permettre de faire rapidement basculer des flux et de permettre au chef militaire de changer d’effort rapidement en fonction des actions de l’ennemi. La première victime du plan dès que l’on lance l’opération c’est le plan lui-même. Garantir à la chaîne de commandement une capacité de réorienter et réarticuler ses éléments logistiques permet de rapidement s’adapter à l’action de l’ennemi ou de saisir une opportunité.

… garantie de la surprise opérative

Les unités doivent dès le début détenir une autonomie suffisante pour s’engager au combat. En France, la norme est placée à 3 jours de combats par unités dans le but de donner suffisamment de temps pour se réarticuler si besoin. De cette norme découle un certain nombre d’abaques en fonction du type d’ennemi, du type de terrain du nombre de vecteur de transport disponibles, de la distance et de la profondeur d’engagement (etc..). Le but est de permettre au logisticien de dimensionner physiquement ce stock de 3 jours. De cela découle le dimensionnement des unités logistiques, variable par nature en fonction des opérations et des stocks pré-positionnés en arrière de la zone d’opération pour réduire les distances et donc les temps d’acheminements.

Comme pour les unités tactiques de combat le logisticien doit aussi garder une réserve. La réserve est une force (unité logistique dans notre cas) qui ne dispose d’aucune mission si ce n’est d’être capable de s’engager très rapidement. Cette réserve taillée au plus juste est garantie à chaque niveau et engagée sur décision du chef afin de palier une défaillance logistique (rupture de flux ou rupture de stock). Elle peut aussi appuyer une opportunité en soutenant celle-ci permettant de dégager du temps pour que les autres unités logistiques engagées se réarticulent.

Conclusion :

Pour combattre et gagner des batailles, le chef tactique doit pouvoir disposer d’une logistique lui garantissant la soutenabilité de son plan mais aussi la capacité de se réarticuler pour conserver sa liberté d’action.

Dans un contexte budgétaire forcément contraint cet impératif est modulé pour conserver une marge de manœuvre tout en gardant un coût raisonnable. C’est là le travail du logisticien. Réussir à dimensionner correctement les stocks et mettre en oeuvre un maillage d’unités logistiques souples permettant d’assurer un flux continu et réversible.

Les outils modernes de gestion de flux et la numérisation de l’espace de bataille qui assure l’échange de ces flux permettent de garantir cette souplesse. Le tout est renforcé par un suivi précis et en temps réel des stocks et des flux logistiques.