La logistique civile connait actuellement une grande transformation. Elle est en partie due aux avancées de la technologie et en particulier aux applications dérivées de l’internet. 

En effet, le e-commerce a très clairement développé la satisfaction client réalisant au quotidien des prouesses. Des géants comme Amazon sont aujourd’hui capable de livrer dans la journée une commande client. Ce haut niveau de réactivité (malgré les milliers de références proposées) n’est rendu possible que par l’utilisation massive des technologies. Ces dernières non seulement permettent une maîtrise de bout-en-bout de la production à la livraison de l’ensemble des flux mais aussi, elle permettent de prédire grâce au traitement des données les besoins des consommateurs et de les anticiper. Le développement de ces sciences au service de l’entreprise est maintenant rassemblé et codifié dans une fonction transverse qu’est la « supply chain ».

Une logistique transverse et intégrée

La logistique militaire est par définition d’emblée transverse. En effet, elle ne se résume pas à une logique exclusive de flux, mais regroupe 11 sous-fonctions. Elles vont du soutien médical à la maintenance en passant par le soutien pétrolier, les approvisionnements, l’habillement etc.. Cela afin de donner au chef tactique les moyens de réussir sa mission. Pendant très longtemps, la mission en Afghanistan contribuant à cela, la logistique est passée au second plan « l’intendance suivra.. ». Le retour avec l’opération SERVAL puis BARKHANE à des opérations dans la profondeur dans un milieu très peu permissif a remis au cœur de la planification puis de la conduite la logistique militaire.

Les convois logistiques, véritable cordon ombilical, sont aujourd’hui le seul lien qui permet le soutien d’une opération. En effet, les ponts aériens ne peuvent être permanent à cause de coûts très élevés. De plus, leur empreinte toujours plus lourde en fait des cibles de choix pour l’ennemi. Il n’hésite pas à les cibler en particulier par l’utilisation régulière des IED. Or force est de constater que les modes d’action de la logistique militaire n’ont pas évoluées depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Aujourd’hui, le pion de combat est le Groupement Tactique Inter-armes qui doit pouvoir disposer de sa logistique. Cela dans le but de mener ses opérations et de pouvoir être ravitaillé par des flux quotidien dans en vivres, en munitions et en pièces détachées. L’emploi des nouvelles technologies permettrait demain à ce GTIA d’augmenter significativement son autonomie sans augmenter son poids logistique. De plus, il permettrait aussi de sécuriser ses flux logistiques et de rentabiliser les vecteurs.

Nous verrons quelques pistes d’évolutions non exhaustives utilisant les nouvelles technologies dans le domaine de la logistique.  

La technologie de gestion des données :

La numérisation du champ de bataille et la mise à jour des appareils de transmission de données (en particulier par l’accroissement significative de leur bande passante) permettra au responsable logistique du GTIA de connaitre avec précision l’état logistique du groupement.

Cela passera bien évidemment par la connaissance du nombre de munitions détenues par chaque soldat et véhicules. Mais également par la connaissance en temps réel de l’état des stocks de chaque compagnie. Grâce à ses technologies, il pourra aussi disposer d’informations remontant des capteurs des véhicules afin d’effectuer de la maintenance prédictive et non plus curative ou planifiée. Cette image en temps réel est primordiale pour le logisticien. Elle lui permettra d’anticiper facilement les recomplètements mais aussi, de pouvoir réallouer la ressource en interne rapidement. Ainsi, une unité ayant surconsommé pourra continuer la mission. 

Des logiciels de traitement de ces données via des applications permettront d’informer immédiatement et en temps réel le chef de l’état de son groupement. Dans le même temps, il sera possible de pré-alerter les échelons de soutien arrières afin de pouvoir livrer au plus vite la ressource ou fournir les véhicules d’évacuation sanitaire pour les blessés.

La technologie impression 3D :

L’impression 3D peut apporter dans ses applications un vrai confort pour le logisticien militaire. En effet, plus besoin d’emmener des pièces détachées en pagaille pour réparer les véhicules. Il suffira juste d’une imprimante 3D et de la matière pour les fabriquer à la demande. Cela permettra aussi de réduire les coûts de stockages et les vecteurs immobilisés pour chaque ressource.

Aujourd’hui les temps pour réaliser les pièces sont certes conséquents, et certaines pièces de par les contraintes mécaniques subies ne peuvent pas encore être produites. Cependant, les possibilités ouvertes par cette technologie sont infinies. L’impression pourra être étendue demain à la médecine d’urgence mais aussi au soutien de l’homme avec la confection de mobilier ou bâtiment servant dans les bases avancées.

La technologie Livraison du futur :

Nous l’avons vu, BARKHANE montre aujourd’hui notre dépendance à l’empreinte terrestre de notre logistique. Ainsi nos convois, cibles molles ne produisant pas d’effets sur le terrain nous oblige à mobiliser des ressources pour les protéger car ils délivrent une ressource vitale.

Or dans le civile on observe aujourd’hui le développement de solutions de robotiques dans les entrepôts mais aussi, des solutions livraisons autonomes. Ces technologies méritent très sérieusement l’intérêt de la logistique militaire.

En effet, il n’est pas encore question que le soldat qui commande sa bouteille d’eau soit livré dans l’heure du fait de la particularité non permissive du milieu. On peut cependant sérieusement imaginer demain de s’affranchir du milieu par des solutions de drones autonomes permettant le transport par air de ressources très rapidement et ce à n’importe quel point du théâtre d’opération. Ces drones pourraient être de plusieurs tailles et pourrait aussi permettre en interne au GTIA de livrer sur les positions des différentes unités ou compagnies. Enfin, la géolocalisation de la ressource doublée d’une technologie RFID pourrait permettre de connaitre en permanence la position de la ressource mais aussi le temps de transport avant la livraison.

Il est même possible d’imaginer que la ressource se pose de manière autonome sur des camions plateau en mouvement. Cela permettrait le ravitaillement d’unités sans devoir stopper le convoi. Ce serait un gain de productivité opérationnelle très important.

De même, pour les ressources lourdes ou très importantes ne pouvant être transportées par drone, nous pourrions envisager des vecteurs autonomes permettant d’économiser les équipages et donc de réduire les risques. Il n’y aurait alors besoin d’une ressource humaine seulement pour protéger ces vecteurs et assurer la maintenance sur les longues distances.

En conclusion,

les nouvelles technologies qui reposent sur le traitement en temps réel de grosses quantités de données pourraient permettre de rendre la logistique militaire beaucoup plus performante et résiliente. Les responsables logistiques de groupements disposant alors de moyens souples et agiles pour permettre de garantir l’efficacité opérationnelle du groupement.

Cela passe bien évidemment par un investissement continu dans les entreprises développant ces solutions. Mais également par un changement des mentalités. 

Les entreprises françaises sont très performantes dans le domaine des nouvelles solutions logistiques. Il y a une réelle nécessité que l’on investisse pour militariser les solutions technologiques proposées. De plus, des logisticiens militaires pourraient aller se former au contact des directeurs supply-chain des entreprises. Cela permettrait d’appréhender la mise en œuvre et l’utilisation au quotidien de ces nouvelles technologies.